DE
<< retour

Révision LPE: obligation de s’atteler conjointement au développement urbain et à la protection contre le bruit

19 juin 2023 – Le contexte est clair: il s’agit, d’une part, de protéger le million de personnes exposées au bruit excessif dans les villes et les agglomérations. Le but est d’éviter les dommages économiques et les coûts externes qui y sont liés. D’autre part, le cadre de vie urbain et ses zones résidentielles doivent être rendus durablement attrayants. La loi sur la protection de l’environnement (LPE) pourrait y apporter une contribution déterminante. À condition que nous inscrivions dans le projet les passages nécessaires, mais encore manquants, au sujet de la protection contre le bruit, tout en veillant à améliorer la prévention du bruit. La présente proposition ignore les réalités des villes et la tâche qui leur incombe de favoriser un développement intérieur durable et de haute qualité. Un enjeu qui appelle une solution permettant à la fois le développement urbain et l’exécution de la législation en matière de protection contre le bruit.

Monika Litscher, vice-directrice de l'Union des villes suisses

 

Réalités urbaines: complexité du développement urbain

Il importe aux villes et aux agglomérations de pouvoir aborder la thématique du bruit de manière globale et aussi efficace que possible dans le contexte du développement urbain. Leur conception de la protection contre le bruit est intimement liée au développement urbain vers l'intérieur, au développement territorial et à la gestion de la croissance démographique, à l'évolution des exigences en matière de vie et de logement ainsi qu’à la société mobile 24h/24. L'augmentation des besoins en zones résidentielles, en lieux de loisirs, de travail et de consommation va de pair avec une hausse de la demande de mobilité.

 

Respecter le principe de causalité: empêcher le bruit à la source

Le trafic, notamment la circulation routière, est de loin la principale source de bruit. Selon l’Office fédéral de l’environnement, son coût externe dû au bruit, chiffré à 2,8 milliards de francs en 2019, pèsent sur le budget. Il représente 80% des coûts externes liés aux nuisances sonores. La principale victime en est la population des villes et des agglomérations où vivent 90% des personnes concernées. C’est dans ces zones que les terrains et l’immobilier perdent de leur valeur – et où de nombreux projets visant à développer l’espace habitable sont actuellement bloqués par des plaintes pour cause de bruit. Ce bruit peut être réduit, le plus facilement moyennant une limitation de la vitesse de circulation, dans le respect des personnes qui habitent ou fréquentent ces zones. Une mesure à la fois simple, efficace, durable et exempte d’interdictions.

 

Urbanité rime avec logements pour le plus grand nombre

Il incombe aux villes de mettre à disposition de leur population diversifiée de l’espace habitable et un cadre de vie attrayants. La diversité n’est-elle pas le terreau d’urbanité et le capital des villes? Parallèlement, les villes veulent favoriser le commerce et apporter une contribution déterminante et durable à la création de prospérité et de valeur. L'interaction de tous ces facteurs, les défis et processus complexes qui y sont liés, exigent des villes une nouvelle approche du bruit et, surtout, une plus grande marge de manœuvre. Les villes demandent que des adaptations soient apportées à la législation supérieure. Dans ce contexte, les conditions en matière d’aménagement du territoire et de politique des transports jouent tout autant un rôle pour la protection contre le bruit que les objectifs stratégiques de développement durable. Et elles s’appliquent à tous les acteurs impliqués.

 

Bref rappel chronologique des principaux objets politiques

Les moulins des processus législatifs tournent lentement. En 2016, le conseiller national Beat Flach a déposé la motion 16.3529 visant à légaliser ladite «pratique de la fenêtre d’aération». La motion a été intégrée à la révision LPE en 2021 lors de l’ouverture de la procédure de consultation (cf. position de l’Union des villes). L’année suivante, une intervention basée sur le rapport de la CFLB a par ailleurs été adressée au Parlement, rapport dans lequel étaient entre autres formulées des recommandations visant à rendre plus strictes les valeurs limites d’exposition au bruit. Son traitement est reporté à la période suivant la révision de la LPE. Conformément à ses exigences, une évaluation économique est en cours d’élaboration qui devrait être disponible à la fin de cette année.

 

Fin 2022, l’Union des villes a adopté sa prise de position UVS sur la protection contre le bruit dans les villes, basée sur une approche globale. Celle-ci met explicitement l’accent sur la gestion urbaine du «bruit dû à la circulation routière» et de la «prévention du bruit lors de la planification et de la construction». Les deux domaines dont concernés par la révision de la LPE en cours; la réduction du bruit à la source touche en effet les intérêts du secteur du génie civil et de la construction. Il est évident que le principe de réduction du bruit à la source, inscrit dans la LPE, doit être enfin mis en œuvre; à cet égard, les villes et les agglomérations nécessitent davantage de marge de manœuvre. Il s’agit dès lors d’en inscrire l’exécution dans le cadre des articles révisés.

 

Améliorations nécessaires: adaptations dans la révision LPE insuffisantes

Dans son message daté de fin 2022, le Conseil fédéral a proposé une modification des art. 22 et 24 LPE. Les solutions concrètes ont toutefois pour effet d’affaiblir la protection contre le bruit. Il existe des différences par rapport à la position de l’UVS. L’interprétation par trop libérale des possibilités de planification et d’autorisation dépasse largement les exigences de la motion Flach et délaisse la prise en compte du principe de réduction du bruit à la source. L’Union des villes demande que les revendications formulées par les villes soient intégrées à la nouvelle législation, laquelle les concerne de manière significative. Ce sont en effet les villes qui souhaitent et doivent protéger leurs populations contre le bruit excessif et veiller à l’attractivité des lieux de vie et de résidence ainsi qu’à la prospérité dans l’espace urbain. Seule une approche intégrale ancrée dans la LPE peut le permettre, en réduisant le bruit à la source conformément au principe de causalité et en y intégrant une pratique adaptée inspirée de la «pratique de la fenêtre d’aération», et ce avant même de prendre des mesures adéquates, à savoir considérées comme compatibles en termes d’architecture urbaine, de planification et d’aménagement, et avant d’envisager le cas échéant des mesures compensatoires.

 

Développement urbain et protection contre le bruit: dans une approche respectueuse, appropriée et contraignante

Si la LPE est mise en œuvre de façon intégrale et conforme aux principes d’aménagement du territoire et de construction de logements, elle s’avère alors hautement bénéfique à toutes les parties concernées en renforçant et en maintenant l’attractivité de nos espaces urbains et économiques les plus importants. L’exécution du principe du bruit à la source ainsi qu’une prévention sensée et pragmatique du bruit permettent non seulement de réaliser les rénovations et constructions de logements, de même que les projets de développement intérieur actuellement bloqués ou reportés, mais aussi de ménager les ressources et les terres arables. En Suisse, la prise en compte des villes n’est pas seulement un exercice volontaire mais un devoir, dont le but vise à nous permettre d’atteindre nos objectifs nationaux communs et de renforcer la diversité et la prospérité. Dans cet esprit, le mot d’ordre est désormais «rendre possible» et non «empêcher».

  ·  
+41 78 739 78 16
  ·  
info@aegerter-holz.ch