Se loger ne doit pas être un luxe
Aline Masé, responsable du service Politique sociale auprès de Caritas Suisse et coautrice de la prise de position de Caritas sur le logement et la pauvreté
En Suisse, il y a beaucoup trop peu de logements libres. À l’échelle nationale, le taux de logements vacants est de 1 % selon des données publiées par l’Office fédéral de la statistique en septembre. Alors que de nombreuses villes connaissent depuis longtemps une pénurie de logements, celle-ci touche de plus en plus les régions rurales. Au cours de ces dernières années, les prix des loyers ont augmenté nettement plus vite que les salaires. Pour les personnes et les familles ayant un petit budget, la recherche d’un logement se transforme en un casse-tête insoluble.
Le logement est le plus grand poste budgétaire des personnes à faibles revenus. Selon l’Office fédéral de la statistique, le 20 % des ménages les plus pauvres dépensent en moyenne près d’un tiers de leurs revenus bruts pour le loyer et l’énergie. Or cette moyenne masque des disparités entre les régions et les communes, mais aussi entre les différentes formes de ménages.
Tout particulièrement les parents élevant seuls leurs enfants et les familles à faibles revenus dépensent fréquemment nettement plus d’un tiers de leurs revenus pour le logement. C’est ce que montrent les données actuelles de l’Observatoire de la demande qui évalue les annonces de logements et les dossiers de demandes. Les expériences faites par Caritas dans ses consultations sociales le confirment. Nous constatons qu’après un déménagement, certaines familles doivent même débourser plus de la moitié de leurs revenus pour le loyer. Parallèlement, elles ont à supporter l’augmentation ininterrompue des primes d’assurance-maladie. Elles s’endettent et se mettent à économiser sur la nourriture ou la santé – au prix de leur bien-être personnel.
Des études pointent une augmentation de la ségrégation : les ménages aisés peuvent s’offrir le coût des quartiers citadins privilégiés et y restent de plus en plus entre eux. Les ménages à bas revenus se retrouvent évincés, contraints de se replier dans des zones périphériques ou exposées à des niveaux sonores élevés, dans des appartements souvent trop petits ou en mauvais état. Dans le même temps, ils sont arrachés à leur environnement social. Or celui-ci est très important pour les enfants et leurs parents, qui sont tributaires du soutien du voisinage.
Se loger ne doit pas devenir un luxe. Il faut davantage de logements abordables pour les ménages modestes. Pour cela, les villes doivent adopter une politique de construction de logements active et encourager les bailleurs d’utilité publique. À court terme, une aide directe doit être apportée aux groupes vulnérables : parmi les outils adaptés, on citera les contributions aux loyers, les allocations pour frais d’énergie, les garanties de cautions locatives et des offres de conseils accessibles. Ces instruments sont déjà utilisés à certains endroits, mais c’est loin d’être le cas partout.
