Les centres-villes sous pression: prendre le changement comme une chance
La Suisse urbaine est synonyme de dynamisme, de qualité de vie et de force économique. Mais dans la discussion sur la mort du petit commerce et la désertification des centres-villes, on voit ressurgir l’ancien diagnostic sur les centres qui dépérissent. L’avancée du numérique bouleverse en profondeur le secteur du commerce de détail, et en Suisse, le franc fort a encore aggravé la situation. De même, la disponibilité d’une vaste offre de marchandises dans les centres commerciaux, les nouvelles exigences logistiques ou encore la situation de concurrence dans les localités proches de la frontière se traduisent par un nombre croissant de locaux commerciaux vacants. Or le phénomène a des conséquences: les surfaces de rez-de-chaussée inutilisées font naître autour d’elles un malaise, avec le risque d’une spirale descendante entraînant de plus en plus de vacances de locaux.
Comment donc les villes peuvent-elles aborder cette mutation et parvenir à préserver les structures d’une économie de proximité? Comme réussir à mettre en place un urbanisme soigneux, axé sur les chemins courts et réalisé en étroite concertation avec les commerces, la culture et la restauration? Et quels sont les besoins des utilisatrices et utilisateurs d’une ville? Lors de l’édition 2019 de la Journée des villes suisses à Coire, quelque 220 maires de villes et de communes et invités de l’Union des villes suisses venus de Suisse et de l’étranger se sont consacrés à ces questions.
Dans son allocution, la conseillère fédérale Sommaruga a fait l’éloge de l’esprit d’innovation des villes, notamment dans les domaines des transports, de la protection du climat et de l’énergie. Dans les transports, les plus grands défis résident selon elle dans le trafic pendulaire dans les villes et les agglomérations. Et si l’on veut trouver de bonnes solutions, il faudra à son avis une combinaison intelligente des transports privés et publics.
Un désir croissant d’espace public
Kurt Fluri, président de l’Union des villes suisses et maire de Soleure, a encouragé dans son discours d’ouverture les villes à considérer le changement comme une chance: «Si l’on a besoin de moins de surfaces commerciales, cela crée de l’espace pour des projets nouveaux ou pour des espaces d'habitation.» Selon lui, il ne faut pas prendre uniquement en compte les surfaces inutilisées individuellement. «La mutation actuelle des valeurs va aussi de pair avec un changement fondamental de la manière dont on utilise l’espace public et nos villes.»
Malgré les vacances de locaux, la pression sur l’utilisation reste importante et diverse. On assiste dans les villes à la montée d’un désir d’espace public. Les loisirs, l’activité physique et le séjour ont de plus en plus souvent lieu hors des parcs. Les places et espaces de rues sont eux aussi de plus en plus au centre de l’intérêt du développement urbain. De même, les surfaces en friche peuvent être plus systématiquement utilisées. Il est important d’avoir une conception de haute qualité de ces espaces d’activité physique et de séjour. Ainsi, des actions pop-up viennent animer des coins en friches, oubliés par certains depuis longtemps, et des offres agencées avec soin, souvent d’orientation très locale, trouvent de nouveaux clients dans l’espace urbain réel. En même temps, l’utilisation plus intensive de l’espace public risque de déboucher sur des conflits qu’il faudra régler.
Planification à long terme, utilisations temporaires, actions spontanées
Il n’existe pas de recettes simples pour renforcer les centres. Mais il existe de nombreuses approches que chaque ville peut combiner et adapter en fonction de sa situation et de sa stratégie. «Partout où les villes abordent les changements avec créativité et simplicité, on trouve de nouveaux modèles», déclare Urs Marti, maire de Coire, la ville hôte de la manifestation.
Les approches de solution vont de l’urbanisme à long terme à l’action spontanée en passant par les utilisations temporaires. Les exécutifs vont chercher des conseils auprès de spécialistes pour le développement de leurs centres-villes lors de simples promenades à travers la ville ou au moyen d’analyses complexes de centres-villes historiques. Les propriétaires d’immeubles, la restauration, les commerces et les autorités se réunissent autour de tables rondes et développent des solutions conjointement. Les nouvelles approches logistiques sont elles aussi source d’idées: des livraisons à domicile ou dans le coffre de la voiture jusqu’aux rayonnages virtuels et à la ville comme showroom où l’on peut découvrir les produits de très près.